Good night, Djerzi by Glowacki Janusz

Auteur:Glowacki,Janusz [Glowacki,Janusz]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Fayard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Salomon Pavlovitch raconte le rêve de Macha

Tôt le matin papa a annoncé que j’allais mourir et qu’il avait creusé une fosse près de la barre à tapis pour m’enterrer j’ai couru chercher du secours auprès de maman en train d’éplucher des pommes de terre qui m’a dit désolée ma fille quand il faut il faut elle m’a demandé de m’allonger gentiment dans ma tombe sinon mon père et mon frère m’aideraient à y entrer j’ai secoué la tête et fait un pas en arrière.

« Et alors ? l’ai-je coupé, impatient d’obtenir des informations plus concrètes.

– Elle en a fait un deuxième puis un troisième et s’est réveillée. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

Je lui ai dit que je n’en pensais rien et lui ai demandé l’adresse de Macha. Il m’a observé, a hoché la tête et m’a déclaré que son adresse ne me servirait pas à grand-chose parce qu’elle dormait ce soir-là chez Tania. Tania était allée rejoindre ses parents en Crimée et lui avait laissé ses clés. Il m’a lancé un long regard scrutateur puis a ajouté que Macha lui avait raconté où elle avait passé la nuit. Comme il savait que ce n’était pas une voleuse, mes recherches ne pouvaient avoir qu’une raison sentimentale, Ivan Bounine n’avait-il pas écrit que « l’amour fait danser les ânes » ? Craignant de m’avoir blessé, il m’a prié de l’excuser et m’a donné l’adresse de Tania. Il a précisé qu’il croyait de toute son âme et de tout son cœur aux rêves car le rêve est le plus beau cadeau que Dieu ait fait à l’homme : dans les rêves, Il se justifie généralement du fait que les résultats n’aient pas été à la hauteur de Ses intentions.

Tania habitait non loin de là, dans un immeuble huppé datant d’avant la révolution de 1917 et qui venait d’être restauré. Arrivé devant sa porte, je me suis arrêté. Je pensais aux ânes de Bounine et me demandais si j’entamerais la conversation en demandant à Macha comment elle allait ou en la complimentant sur son tableau. Je pourrais aussi en évoquer les imperfections ou m’enquérir du prix puisque j’avais l’intention de le lui acheter. Je restais planté sur le palier à tergiverser… Le temps passait, il se faisait tard, des gens m’ont croisé dans le couloir, ils se sont arrêtés et m’ont jeté un regard suspicieux. J’ai sonné.

C’est elle qui a ouvert. Elle était nue ! Des pieds à la tête ! La stupéfaction m’a coupé la parole et ses yeux, de ronds, sont devenus carrés. Elle a poussé un cri et claqué la porte pour la rouvrir aussitôt. Nous étions là sans parler, chacun ayant du mal à revenir de sa surprise. Je regrettais de ne pas avoir mis ma belle veste et ma chemise en soie naturelle qui flattait mon teint. Elle était belle à faire peur avec ses longues jambes, ses seins hauts et ronds, et sa frimousse enfantine. La première idée qui me soit venue à l’esprit, c’est que c’était une putain.

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